dimanche 8 novembre 2015

Travail au noir


Allons travailler au noir
Ecartons les parlementaires,
l’Union européenne,
les sénateurs,
les avocats,
les notables
Tu sais faire du plâtre ?
Cet ami roumain est un carreleur professionnel
On se met ensemble
Moi, de l'iran
Toi, du Bulgare
Dis à ton ami polonais de venir aussi
Tire un trait autour du diamant
Son travail est fin et sent le sang
Ce camarade du Congo est mécontent
Buvons bière sur bière, prends autant que tu veux
de mon paquet de cigarettes
ce n’est pas la peine de rouler du tabac
Sois tranquille
Quand les chansons et les sifflets
sans traduction
deviennent sans frontières
les heures de travail passent comme un éclair





 Traduction Française :Myriam Benoit

La guerre

En guerre, on ne peut pas chausser des talons hauts
N’est-ce pas ?
La minijupe, c’est pas pour le front
Pour se camoufler, on ne peut pas mettre du rouge à lèvres
Dans la ville où ses filles
ont des seins aussi nus que la liberté
Elles donnent des coups de pied avec leurs bottes
Personne ne voit l’autre
Et l’été pleure du sang
Si la police comprend
ça se remplit de sirènes
Les droits de l’homme
croulent du mur
Mais comment peut-on faire la guerre
avec une armée folle qui est faite d’ombre et de lumière
et dont le casque est un vase rouillé rempli de mauvaises herbes ?
Ses rafales ne brisent pas les vitres
Aucun verre ne se jette de la table
N’est-ce pas ?
Ce café est très intime
Une blonde arrive
Les obus se transforment en bière sur la table
Un soldat passe à l’intérieur de la table
Il marche courbé
Les carreaux en ralenti
Aucune des photos de mon appareil
N’apparaît
J’allume une cigarette
On entend le son d’un accordéon
Cette ville est trouble
très trouble
Mais
toute sa population n’est qu’une seule personne


 Traduction Française :Myriam Benoit  

La glace

Comme un morceau de glace au pole
J’ai mes propres pentes
Scier les vents froids
Je porte en moi un bébé mammouth
Si je fonds
Arrive le musée
Je vais par les tuyaux
Tu arrives nue
Je coule de la douche
Je glisse sur tes cheveux
Sur les joues
Tu vois de l’eau
Moi, le rêve
Glissant, glissant, je ne peux pas m’arrêter sur les seins
Tes côtes propres
Je glisse, je glisse sans arrêt
Sur les hanches je deviens goutte
Arrive le pied
Je m’enfonce dans la plante
Savon, bulle
Je pars à l’égout
Toi, sur le canapé, tu sèches tes cheveux
Et tu appelles ça la vie ?


Traduction Française :Myriam Benoit

le dieu rose

Dieu est un homme hélas !
S’il était une femme
On n’aurait pas autant de guerres et de massacres
Il écrirait un Coran tendre
Au lieu de noir et vert
Les rideaux de sa maison seraient roses
Dôme rose
Mosquée rose
Eglise rose
Bible rose qui sentirait la féminité
Le Moyen Orient deviendrait Schengen
Et nous, on retournerait chez nous
On ne deviendrait pas poète en exil


 Traduction Française :Myriam Benoit

perdu

Chemise blanche
Chapeau vert
Pantalon rouge, je suis perdu
Depuis trente ans
Il fait froid, il fait nuit
Assis dans un coin je regarde
Où ? Je ne sais pas
Ici, les gens sont bizarres
Dites à ma mère
Pour qu’une famille ne s’inquiète plus


 Traduction Française :Myriam Benoit 

l'usine

Je suis une usine à Paris
Venez travailler en moi
Qu’une de vous ait des cheveux blonds
Qu’elle boive la poésie comme du thé après le travail
Qu’elle ne fasse pas grève ou ce genre de choses
Qu’elle ne m’énerve pas
Qu’elle ne prenne pas le drapeau le premier mai
Qu’elle ne fasse pas révolter les ouvriers
Qu’il y ait des bagarres
Le prolétariat est futile
Touche mes rails de fer
Caresse-moi les poils métalliques de la poitrine
Dans le vestiaire, nue
Je te regarde par les lucarnes
Viens seulement
Remplis le questionnaire d’embauche
Signe ce contrat
La suite, c’est moi qui m’en occupe



Traduction Française :Myriam Benoit 

Les places de la Liberté

Une grande tour
L'herbe mouillée
Des SDF
Dans le monde entier, les places de la liberté se ressemblent








SDF (sans domicile fixe)

Traduction Française :Myriam Benoit

La lettre

La lettre est au bureau de tri
une lettre qui
si elle est livrée
rassemblera les voisins
remplira les tables de tasses
Actuellement
la lettre est dissimulée
la lettre garde le lit
dans un hôpital
inconnu de tous


La reine

Avec une jupe très courte, des bottes très longues
un rouge à lèvres trop rouge
les voitures klaxonnent, ralentissent
 50 Pound  
le pavé du trottoir rie  
la lune de Londres tousse 
le matin
elle  rentre au château

La place

La place est remplie des hommes de travail
Une couche d’henné couvre leurs ongles
leurs tenus sont gris comme du ciment
un clair-obscur de la grenade couvre leurs joues
ils fument « Spécial sans filtre »
comme la marque de leurs cigarettes 
ils ont aussi une vie spéciale

N’importe qui

 
Quelqu’un pêche
Quelqu’un fume
Plusieurs ont allumé du feu sur les sables
Certains assis sur les rochers regardent l’horizon
Et
Une personne c’est la mer

Le crime

Les mégots sont écrasés sur les escaliers de la cour
Les prisonniers
marchent de long en large les moments
Le soleil
est blessé derrière les barrières épineuses
Le gardien
compte les prisonniers
La liberté
est suspendue de sa ceinture-cartouchière
sous forme d’une clé

Dans la nuée


Tu te souviens
La peur dominait Téhéran ?
Je me suis assis sur quelle chaise, j’en sais plus
Rire dans la nuée, pleurer dans la nuée, une aile géante et froide dans la nuée
Une tasse du café dans les sentiers
Lorsque la lune rampait dans la nuée

L’ombre

ne cesse de me poursuivre
sans même blanchir dans la neige
misérable ombre
se faufile sous le train
et ressort de l’autre côté du tunnel
encore plus sombre
brandissant un doigt d’honneur
malpoli 


Zéro

Le zéro accélère
l’indicateur de direction aussi
cette pauvre rue, elle ne savait jamais
qu’avec les plus indécents des noms
une place comme une bouche sans dents va l’avaler
le feu de circulation devient rouge
la vitesse sept
les marchands de grenade
La vitesse vingt
Téhéran arrache ses cheveux
Le quartier d’Écbatan enlève son pantalon
Mille trois cent miles
Je monte à la nuée, à l’aile, haut, plus haut
La vitesse et la valise sur les escaliers roulants
Sur la table à côté de la chaise
Où le matin
Il n’a pas bu du café et un bouquet de fleur n’a jamais été …
Hézâr –Tcham, se lève sur les pieds de neige
Bruxelles, l’avenue du dix-sept de chahrivar
Londres, vingt deux du mois de bahman, l’avalanche 
Suisse est gelée sur l’eau
Et Hyde Park, on dirait la place de Ferdowsi
Je glisse dans l’humidité
noyé dans le parfum du thé, Je deviens Lahijan
La Caspienne ne sait jamais
Qu’est-ce que c’est le moins trente.

Bonsoir

Bonsoir monsieur Nuage
tu viens haletant de Londres
Et tu frotte tes fesses sur les bâtiments de la ville
En face de l’avenue Leon Teodore :
Marchée au Diable, place Cardinal, marchée aux marchands de poisson
La police de nuit a des étoiles soupçonneuses sur ses épaules
Le trottoir est une jungle de pierre
La voix d’oiseau vient de la bouche du chasseur
Ma voisine, viens allons à la maison
Si tu as déjà parcouru Chahsavâr, viens donc allons à la maison

Exécution

Un matin brumeux
ou bruineux sur la fleur de nuit
ensoleillé
ou sous le brouillard
les averses
je suis devant l’arbre maintenant
maintenant l’arbre
non
ce n’est pas un arbre
un poteau en bois
non
un mur de pierre
non
un arbre peut-être alors
avec la mer au fond
avant qu’ils viennent on aura
peut-être le temps
de trouver du travail
de tomber amoureux
d’ouvrir la porte
de humer le pain
de regarder par la fenêtre
la neige qui tombe
le bon goût des pommes se change en mur
le tapis de prière de grand-mère en barrage
l’odeur des grenades en barrage routier
face à la balle de plomb qui se précipite
hurlante


La chambre

Personne n'appelle
et les mails sont pollués de pourriels
Londres n'est même plus Londres
et cette chambre est comme n'importe quelle chambre
Être ici ou en prison à Evin
dans un appartement à Bruxelles
ou dans une chambre de la maison paternelle
c'est du pareil au même, non ?
Qu'est-ce tu fais de beau ?
Être dans une prison en Croatie
ou dans une cabine d'avion
c'est du pareil au même, non ?
Après tout une chambre est une chambre
seul l'aspect varie
Le frigo est aussi une chambre, n'est-ce pas ?
Il en va de même pour une boîte à bijou
ou une boîte à outils
ou le micro-ondes dans lequel tu réchauffes ton sandwich


Le port

Retour de quelques cavaliers de Shahsavar
avec la cravate d’une potence
et des égratignures sur le front
agrafées
dans le dossier
Dois-je danser sur une grue
au-dessus de tous ces poings
ou jouer à cache-cache
avec ceux qui me cherchent ?
Je devrais me balader dans Paris
la tête à Shahsavar
grandir devant la Joconde
me frotter aux nuages
du haut de la Tour Eiffel
L’aube est plus sombre que la prostituée qui rôde au cœur du crépuscule
Un étudiant venu d’Albanie
d'Europe de l’est
ou d’Asie
peu importe
s’il devient médecin en Ouganda
ingénieur au Nigéria
ou chercheur de diamants au Congo
Le maire fait ériger des barrages routiers
le balayeur pisse derrière le mur de l’université
et fume en cachette pendant le Ramadan
Cette forêt ne sent pas le bois
mais le pétrole
aspergé sur le front
et les doigts de l’eau
caressent
les flancs du pétrolier

Maudit

C’est quoi comme endroit où on s’est réfugié ?
Ici,  n’est ni utopique, ni séduisant
Au moins personne ne nous embête
Sinon la pomme se ressemble à la pomme 
Seulement elle n’a pas de goût d’une  pomme
Merde !

Tentation

Je t’aime car j’aime l’été
Je t’aime, car j’aime sucer une glace
ta coquetterie m’embête  tu veux que je t’en claque une
la rue de Révolution est à l’angle de celle de l’Ouvrier
lundi était dans la taxie
je me sens bien avec les basquets
rendez-vous près de la même place de merde
je déjeune dans les plus sales de tes brasseries
avec toi, le bus ! t’es belle
les seins enfumés de la place de Toup-Khâné
ne me tente pas de remarcher
avec tes cuisses dans la rue de Révolution
bum dang ghij taragh trough
bisous de Bussni
non
Tajrich
Viens
Courons plus rapide que la police sur les rails
Ghiiiiiiiiiiiiiijjjjjjjjjjjjj
Libértéééééééééééééééé il n’y a personneeeeeee ?
Je t’aime comme le chocolat, comme chips
J’aime mon pays comme Kit Kat

Le train

avec deux bords dans les deux côtés
Il peut arriver à la Caspienne
Parcourir une avenue
Plus héros que Takhti
Comme une foudre il peut passer le sentier de Kandovân
La station est comme un compartiment pour moi
Prague avec ses pigeons de marbre jusqu’au compartiment de nuit
Parfois foudre et tonnerre dans le tunnel
Parfois se dressent les collines d’Évine  de l’autre côté
Le contrôleur, le billet
Le gardien, la visite est interdite 
Et papa pleure de Machhad jusqu’ à Chahsavâr 
Jusqu’au moment que les étoiles de Bosnie - Herzégovine  
Chouchoutent sur la forêt
et Zagreb danse sur la pierre
Et dans la place de Mine, tout l’Italie glisse de l’atlas
Le train serait sans fenêtre, sans porte
Le train serait sans compartiment, sans vitre sans contrôleur
Le vent flotte le drap comme un drapeau
Ils tirent
Et les poteaux de l’électricité parfois tombent, parfois se lèvent

Jamais

Je t’aime
Je  ne t’aime pas
Je t’adore
Je ne t’adore pas
Sur une table je prends mon petit déjeuner avec toi
Mais
Sans toi
sur les mille autres tables
jamais

L’appartement

Sans l’escalier l’ascenseur a grandi
Il neige
La neige
sur mes livres
sur l’information de la télé
sur la cigarette et sur le journal
J’ai dansé une mosquée  de chanson dès que je suis arrivé de l’Iran
dans une ville où il neige mais pas de rue
qu’il neige mais pas d’avenue
 Personne ne passe dans la rue… et les écoles sont fermées
je marche tout nu
nu comme la Kaaba
avant que les dieux y descendent
nu comme les poteaux de l’électricité
j’écris sur le rêve et la fenêtre :
Le soleil
J’ai mis la mer Caspienne dans un verre et
Le Kandovân  sur une tablette
J’ai plié Téhéran
avec ses fenêtres qui étaient allumées
et l’embouteillage qui fumait sa pipe
Sans l’escalier, l’ascenseur, a grandi
elle s’est attachée au ciel par une corde
elle bouge régulièrement
Tu ne peux pas mettre un verre d’eau sur la table
ou de boire tranquillement une tasse de thé
La cave est la boutique des souvenirs
Téhéran
Poussiéreux, vieux, frotte les mains, mord les lèvres
Djavadieh se ballade sur le pont
Evine
Avec ses martyrs est debout au bord de la route
Dans l’aube dont les étincelles l’ont entre les dents.

La valise

La pluie de la semaine dernière
a escorté juin avec des photos
des drapeaux
des squelettes
des dents
et des anges
aux sourcils froncés
jusqu’à la gare centrale
J’ai Téhéran sous la main
rangée dans une valise
pleine de martyres
et Paris est une prostituée en fuite
Dans la valise
la place de l’Artillerie est tellement bondée
que la liberté replie ses longues jambes
et caresse les seins froids et durs de la place de la Révolution
Il fait encore nuit
Il neige
l'été s’allonge sur les rails
et le soleil qui prend le train
s’égare dans l’hiver

Les souvenirs

sur les pavés de la cour
les feuilles, les arbres, le jardin et la porte
dans le silence gris de la rue
les passages piétons, les feux clignotants
les souvenirs, sur le toit de la voiture de police, ma carte d’identité
sur mon visage
la place
et le sac
les souvenirs, à travers les vitres de bus
sur la lumière inondée de la route 
stop
contrôle
ils ne trouvent
jamais
jamais (nulle part)
ce qui est transporté en moi et avec moi.

L’arbre et la neige

Maintenant qu’on s’est assis l’un sans l’autre
écrire sur la buée de la fenêtre, montre quelque chose du temps
de l’arbre et de la neige
en tant que je roule et… la roue chaînée
mon regarde se dirige vers l’avant
Derrière, ils ont fermé la route
il faut rentrer à la maison par d’autres routes (chemins)
Quand je me serais épanché avec mes villes
Je vous apporterai comme souvenir, un peu de gens, un peu de bruit et beaucoup de nouvelles
Laissez ouvert le portail
Et la clé de la chambre près d’une fleur sur la terrasse
Qui regarde et… qui soupire

Sarajevo

Tu n’étais pas sur la passerelle de l’avion
Mais, tu étais comme un bisou, de tête au pied
Moi
Effrayant, je marchais dans le ciel de Téhéran
Et parfois
Le soleil jouait à cache- cache sur les vitres de l’aéroport
là, passaient les gens qui te ressemblaient 
mais, pas toi
le ciel de Téhéran s’éloigne
avec ses néons, ses fumés et ses maisons confuses
la blancheur des nuages, il fait moins 40 degrés
maintenant quelqu’un qui te ressemble marche sur les nuages
je veux sauter dehors
de l’embrasser
les nuages s’entremêlent et
 de temps en temps ils te ressemblent
et parfois , aucune ressemblance
les nuages s’entremêlent et s’éloignent
mes mains sur mes lèvres pour te faire bisous
la rougeur du soleil sur Istanbul
a fait planter octobre sur mon calendrier
le décalage horaire
le changement de langues

La pomme

Je m’assois dans le panier
Les copains n’entendent pas l’avenir
Ils croient
Soit  acidulé, soit sucré qu’il faut vivre
Une charrette cassée et une lampe-tempête 
Quittent la petite  place du marché de vendredi
Un plat fleuri et quelques assiettes à dessert
C’est le passage à la nouvelle année
Et 
Un couteau épluche l’avenir.

L’Assiégé

Le son
La caméra
L’action
La Bombe
Chimique
Chimique
Allô
Allô
Nous sommes assiégés
De toutes les munitions de guerre, il ne nous reste q'une trompette
qu’est-ce qu’on fait… On joue ?
Coupé